La récolte de l'oignon dans une enluminure par Giovannino de' Grassi, Les Oignons (1380)

Un jardin médiéval

C'est le grand retour du Moyen-Age: peu à peu, on redécouvre que les esprits des Lumières ont exagérément fait rimer médiéval avec rustre et obscur. Pourtant, l'esprit médiéval était très abstrait et raffiné, surtout en matière d'amour à la cour. Tout passait par l'allégorie. On retrouve cette délicatesse au jardin.

Un jardin médiéval typique, clos, avec des treilles tissées de tiges de saules. Ici, par les frères Limbourg, Les Très Riches Heures du Duc de Berry, mois de mai (détail).

C'est un jardin privé, comme le jardin romain, resseré dans ses murs. Il est un lieu clos, féminin, et réservé au sentiment. Lieu intérieur, il représente les passions intériorisées: Déduit (le personnage qui représente le plaisir) y côtoit la Rose, qui désigne l'amour. Dans ce jardin, on peut aussi croiser Mérancolie...(ou Mélancolie, car à l'époque, on roulait les r à tel point qu'on ne faisait plus toujours la différence entre l et r !) C'est surtout dans Le Roman de la Rose, qu'on voit tous ces personnages du sentiment amoureux. Cette allégorie, René d'Anjou, roi de Provence, l'a aussi développée, mais différemment, dans son Livre du Cueur d'Amour espris : le chevalier Cueur est sauvé de Soucy par un autre personnage: Espérance, et continue sa recherche de Doulce-Mercy, celle qui soulagera ses souffrances d'amant.

Le jardin médiéval est un lieu de cour. C'est là que les nobles se retrouvent dans un contexte idyllique, c'est-à-dire favorable au sentiment amoureux. Ici, une scène biblique prend place dans ce lieu noble, mais les attitudes: lectures, cueillette, musique, sont courtoises. On remarque les iris, lys, coquelourdes, roses et roses trémières, ainsi que le pommier. C'est une "vierge au rosier". Enluminure par le Maitre du petit paradis de Francfort..

Le jardin médiéval est lié à l'amour courtois. C'est dans une nature cultivée, voire un jardin clos que se développe l'imaginaire du sentiment amoureux médiéval. Ici à droite, une enluminure par Barthélémy d'Eyck du Livre du Cuer d'amour espris, de René d'Anjou.(1460)

Si vous êtes tenté par cette allégorie, vous pouvez vous aussi la recréer dans un jardin médiéval, à l'image de celui nouvellement créé au musée de Cluny, à Paris. Rappelez-vous: un espace clos, ou que vous fermerez avec les fameuses haies tissées de saules.

Un champs de vigne complètement enclos, comme un jardin médiéval...Mars, dans les Très Riches Heures du Duc de Berry.

Un jardin de roses et des fleurs toutes simples, dont l'ancolie, qui rappelle la fameuse Mélancolie hostile à l'amour courtois. Un petit plan d'eau, et surtout, des treillages tout autour, sur lequel on fait pousser toute sorte de grimpantes à fruits: fraisiers, vigne et pourquoi pas une petite trangression: le kiwi, qui pousse très bien sur un mur au sud...

Les arbres élagués des rives de Paris, au Moyen-Age. Ce sont peut-être des saules dont les branches seront tressées. Juin, toujours dans les Très Riches Heures du Duc de Berry.

La vision médiévale du jardin d'Eden: un jardin peuplé d'animaux sauvages mais paisibles, dans le Dit du Lion, de Guillaume de Machaut.

 

C'est que le jardin médiéval n'est pas que pure allégorie: il faut qu'il nourrisse, comme le jardin de curé. Légumes, fruits mais aussi plantes médicinales. Pour les amoureux de topiaires, régalez vous: les médiévaux taillent leurs abustes très courts, afin, de tresser les branches et réaliser des paniers. De plus, c'est une nature idéale et maîtrisée qui est désirée: les grands effets, grands arbres et arbustes sont procrits, d'autant plus que l'espace du jardin est réduit, puisqu'il est clos.

On a même pensé que les bonsaïs seraient apparus à cette période en Europe, puisque certaines gravures montrent des petits arbres en pot. Les bonsaïs, un art peut-être moins oriental qu'on le pense?...

Idéal dans nos jardins rasés par les tempêtes!